Pas mal de choses s’améliorent en termes d’apprentissage des langues. Mais le constat reste toujours le même dans la France de 2017 : « Nous sommes moins bons que nos voisins allemands ou néerlandais… quelques choses nous bloque ».
Certains disent que la langue française comporte des particularités phonétiques qui nous empêcheraient de prononcer correctement les langues étrangères. D’autres, pensent que c’est une histoire de gène ou du moins que les français n’auraient pas le gène des langues.
Le constat
La commission européenne a diligentée une étude en 2012 qui montrait les limites des lycéens sur la plan de l’apprentissage des langues : après 5 années d’études, seulement 14% avaient un bon niveau de LV1 anglais et 11% un bon niveau en LV2 espagnol.
Pour redresser la barre, les efforts sont considérables car l’objectif est la maitrise de 2 langues en fin d’études.
Un blocage uniquement à l’oral ?
Sur le plan de la grammaire et du lexique, il semble que l’apprentissage en France fonctionne plutôt bien. Mais les problèmes surviennent quand il s’agit de :
- Parler, dialoguer,
- Donner son avis sur un sujet,
- Faire un exposé oral.
Le bocage ne vient évidemment pas d’un problèmes cognitif ou génétique. Non, il semble que le blocage soit… psychologique et sociologique !
Premier blocage : un élève français a plus de mal à accepter la mauvaise prononciation, le balbutiement, l’imprécision. Il n’est pas habitué dans les autres matière à être imprécis et socialement cela le met mal à l’aise. Or, l’apprentissage oral passe nécessairement par une phase de difficulté à exprimer une idée.
Deuxième blocage : la difficulté des élèves français à prendre des risques. Pour beaucoup, la peur de l’échec surtout face à une classe entière est tétanisante. Or pour parler, il faut oser, se tromper et apprendre selon un cycle itératif : erreur puis correction.
Ce blocage se retrouve à l »échelle du pays puisque en France, dans le monde de affaires, l’échec n’est pas perçu comme un moyen d’apprentissage mais plutôt comme une faute qui doit être sanctionnée ! Pour preuve, ce n’est qu’en 2013 que le « fichier 40 » qui fichait à la banque de France les entrepreneurs ayant fait faillite a été supprimé ; aux États-Unis, l’échec fait partie de l’apprentissage et dans le business, les banques prêtent plus facilement à des entrepreneurs ayant connu l’échec, plutôt qu’aux autres !
Troisième blocage : la fatalité. En partant de l’idée répandue que « les français ne savent pas parler les langues étrangères », alors pourquoi faire un effort ! De plus, c’est peut être « à cause du prof » et de toute façon « la prononciation (en anglais, en allemand ou en espagnol) est impossible » ! L’échec entretient l’échec.
Que pense un étranger du système français
Pour un étranger qui observe le système d’étude des langues en France, il est clair que les programmes d’apprentissage en primaire sont positifs. Cependant, ils sont encore « trop récents » (1998-2003 avec L. Jospin) et par conséquent, les niveaux des lycéens et des universitaires devraient progressivement s’améliorer. Dans les pays nordiques, ces réformes ont débuté dès les années 50 et ils bénéficient du recul d’une bonne trentaine d’année d’expérience.
Autre point à prendre en compte : l’introduction de la LV3 dans les programmes ne semble pas avoir été accompagnée d’une augmentation notable de heures de cours ou de la diminution du nombre d’élèves par classe. Les étrangers sont surpris de voir autant d’élèves dans certaines classes de langues.
Dernier point et c’est peut-être là que réside la principale difficulté : les étrangers sont étonnés de la relation un peu figée entre élève et enseignant. Dans cette relation, la « voix de l’enseignant » est omniprésente, quel que soit les cours. Il est possible que l’habitude d’écouter l’enseignant (hiérarchiquement il est le maître de la voix et du savoir), bloque l’apprenant au moment de devoir s’exprimer à l’oral dans une langue étrangère. L’élève n’aurait alors plus que la solution d’être compétent à l’écrit…
En résumé, si l’enseignement consiste dans l’expression orale de l’enseignant et l’expression écrite de l’élève, il est difficile d’imaginer un inversement des rôles ! Psychologiquement, l’élève n’a pas la parole facile, il n’est pas autonome.
Du point de vue d’un étranger, l’apprentissage en France revient « à se faire enseigner une matière dans un cadre précis ». Or l’apprentissage d’une langue doit passer par l’autonomisation de l’apprenant. Tant que l’élève ne se retrouve pas dans une situation d’autonomie, il ne peut pas apprendre correctement la langue étrangère.
La peur de se tromper entraine la passivité
La peur de se tromper est un blocage social relevé par les étrangers qui observent les français. Ce phénomène se retrouve très jeune dans les classes. Le phénomène du « qu’en dira-t-on » empêche les élèves de tenter de parler.
De plus, le fait d’être corrigé par un tiers peut être vécu dans la société française comme un affront. Est-ce de la fierté mal placée ou un sentiment de supériorité? Dans tous les cas, c’est un facteur bloquant pour l’apprentissage des langues.
Souvent reconnue pour son « élite », la société française subit sans doute le contre-effet de l’élitisme au niveau de l’apprentissage des langues. L’élève a peur de se tromper, il a peur du mépris que produit l’erreur alors que dans de nombreux cas il a la connaissance et la bonne réponse en tête… mais elle n’est pas exprimée (du moins à l’oral).
Maîtriser une langue : les solutions existent !
Elles sont plus facile à énoncer qu’à mettre en œuvre.
- Tout d’abord, le premier point essentiel est de redonner du sens à l’expérimentation, à l’apprentissage par l’erreur car une langue ne s’apprend que par une accumulation d’erreurs corrigées au fur et à mesure.
- Deuxième point important : pratiquer la mise en situation, se présenter, parler, apprendre à proposer un avis.
- Troisième élément essentiel : pousser à l’autonomie de l’enfant dans l’apprentissage. Car c’est l’apprenant qui doit lui-même, en étant accompagné trouver les ressorts de sa motivation pour apprendre la langue étrangère.
Parmi les outils capables de provoquer un choc linguistique et débloquer l’apprentissage d’une langue, les échanges avec des correspondants et les séjours à l’étranger sont des voies intéressantes.
De plus, s’ils sont accompagnés de cours de langues selon une pédagogie active à anglaise, l’objectif de maîtriser une langue est atteignable. Cette fameuse pédagogie ne suit en réalité que des principes de base : travail sur l’oralité, mise en situation, jeu de rôle, valorisation de l’échec, répétition, apprentissage ludique…
Article librement inspiré de l’essai de Daniel Emilio Rojas (2016) : le français et les langues étrangères
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